[Interview] Emilie et Simon pour MediaEntity

Il y a deux semaines, je vous présentais MediaEntity, ce projet novateur qui m'a totalement emballé. Pour moi qui d'habitude suis peu motivée à l'idée de lire une BD sur écran, MediaEntity a complètement changé ma façon d'envisager l'avenir de la BD numérique et je dois avouer être maintenant franchement enthousiaste à l'idée de toutes les excellentes choses que ce que l'on appelle "le turbomédia" nous apportera par la suite. Voulant en savoir davantage sur le sujet, j'ai posé quelques questions à Emilie et Simon, les deux créateurs de MediaEntity.

Emilie et Simon bonjour, je vous laisse vous présenter, quels sont vos parcours respectifs et précédentes réalisations ?

Emilie : Ca fait assez longtemps qu'on travaille sur MediaEntity. Depuis qu'on est sortis de nos écoles respectives, c'est notre premier vrai projet personnel en fait. Simon a étudié le scénario au CEEA et moi l'animation à l'EMCA et à la Poudrière. Les films que j'ai réalisés dans le cadre des écoles ne sont pas sur internet, à part le clip du "café" d'Oldelaf, co-réalisé avec Stéphanie Marguerite.


En quoi consiste exactement ce projet original ?

Simon : MediaEntity part de l'idée qu'avec les réseaux sociaux, on a tous une "Entité" sur internet, qu'on alimente sans arrêt, et qui pourrait soudainement devenir incontrôlable et agir à notre insu : Des vidéos de nous qu'on n'a jamais tournées apparaitraient sur youtube, des photos émergeraient sur nos profils MediaEntity (c'est le nom du réseau social que tout le monde utilise dans notre univers), des ordres de bourse seraient passés aléatoirement. A partir de là, le monde commencerait à ne plus tourner très rond ! Quant à l'origine de tout ça, on vous laissera le découvrir dans les futures saisons !

Vous travaillez à deux sur MediaEntity, qui fait quoi ?

Emilie : On construit ensemble l'histoire. On a un grand mur de post-its avec une ligne par personnage. Quand on a défini quels événements iront dans quels épisodes, Simon part faire la version finale du scénario. Enfin, je fais le découpage, le dessin et la couleur.
 
Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le turbomédia ?

Simon : Le Turbomédia est un mode de narration de bande-dessinée numérique inventé par Balak. La différence avec une BD papier est l'espace de lecture, qui est un écran plutôt qu'une page, et au sein duquel les événements apparaissent les uns après les autres. Cela permet de maîtriser le temps de la narration et l'immersion du lecteur. La seule règle, c'est que chaque fois que le lecteur clique sur la flêche droite, quelque chose apparaît ou disparaît de l'écran, et l'histoire avance comme ça.
 
Quels logiciels utilisez-vous pour réaliser MediaEntity ?

Emilie : J'utilise flash pour faire le storyboard turbomédia, et photoshop pour les dessins.
 
Simon : Moi le bloc-notes est mon meilleur ami !
 
Qu'est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans de l'expérimentation numérique au lieu de suivre un parcours "classique" de publication d'une bande dessinée papier ?

Emilie : C'est vraiment la découverte de Balak qui nous a donné envie de raconter cette histoire en turbomédia. Il a démontré que la recherche en narration BD allait faire un pas de géant avec le numérique et que ce n'était pas un support qui allait l'appauvrir bien au contraire. On avait vraiment envie de tenter quelque chose avec le turbomédia et voir ce que ça donnait, et si les lecteurs trouvaient leur intérêt à suivre une histoire en numérique. Et puis notre histoire parle d'internet alors...
 

Vous parlez des dangers de l'identité numérique, pour l'instant le scénario oscille entre la science fiction et le thriller, quelle direction va favoriser l'histoire par la suite ?

Simon : En tant que lecteurs ou spectateurs, on aime le mélange des genres. C'est ce qu'on avait aussi envie de faire avec MediaEntity. On aime autant la science-fiction, le polar, le thriller que le fantastique ou la comédie. Notre modèle en la matière, au delà d'un genre, c'est le format et l'ambiance des séries TV américaines. Plusieurs personnages réunis autour d'un thème commun. Avec certains qui vont avoir des intrigues dramatiques et d'autres qui vont plutôt être sur le mode de la comédie.

En l'occurence, l'intrigue tournera autour de MediaEntity, le réseau social tentaculaire où apparaissent les premiers cas d'identités mutées. On voit ça non pas comme de la pure science-fiction, mais comme de l'anticipation réaliste. Ce qui nous intéresse en tout cas, c'est qu'on va pouvoir raconter aussi bien des histoires d'anonymes sur le réseau, que d'hommes politiques ou de célébrités - avec une bonne dose de pop culture dès la prochaine saison.

Vos storyboards sont faits directement pour le turbomédia ou en envisageant une éventuelle version papier ?

Emilie : Effectivement, on a aussi préparé une version papier. Les storyboards sont d'abord faits en numérique avec pour principe de ne pas se donner de contraintes. Ensuite, vient le moment de l'adaptation pour le livre. Le turbomédia s'y prête plutôt bien puisqu'on peut découper les différentes cases numériques et les réagencer dans la page en repensant la narration comme pour une BD classique. C'est un travail supplémentaire où on doit être très rigoureux pour savoir exactement ce qu'il va y avoir à dessiner: il faut parfois prévoir de nouvelles cases ou en agrandir certaines. Mais ça nous permet d'avoir deux versions à proposer au lecteur. Tout le monde n'a pas envie de lire sur un écran, nous les premiers à la fin d'une journée de boulot...

Vous avez imaginé de nombreux débouchés à votre concept, pouvez-vous nous présenter un peu tout ce que vous avez prévu (je crois avoir entendu parler de jeux de rôle…) ?

Emilie : Oui, on s'amuse beaucoup avec le concept de MediaEntity. On a pas mal de personnages, qui ne peuvent pas tous avoir leur place dans la bande-dessinée, et on a imaginé d'autres supports pour continuer à raconter leurs histoires et à explorer cet univers. On proposera début Janvier les différents modules en financement participatif et le public pourra choisir lesquels il souhaite voir aboutir. Il s'agira par exemple d'un documentaire sur l'avénement des mutations, ou encore de jeux de rôles. On présentera nos différentes idées Mardi prochain sur le site.

Simon : Pour les jeux, on s'est beaucoup amusés ce mois-ci à donner des petites missions aux lecteurs entre chaque épisode. L'idée est de continuer sur cette lancée avec des jeux plus ou moins grand publics, mais qui prolongent d'une manière ou d'une autre l'univers de
MediaEntity. On peut citer un projet de jeu de cartes, où il s'agira de faire "muter" ses adversaires. Ou encore un jeu de rôle "grandeur nature" dans le genre de ce qu'on vient de faire: Wilhem lancera des jeux de piste sur le net ou dans la réalité, et les joueurs devront apprendre les rudiments de la cryptographie ou du hacking pour résoudre les énigmes, plus pour les geeks donc !

 

Quelle suite aimeriez-vous que prenne votre projet ? Travail collectif d'auteurs dans l'esprit des "Autres Gens", adaptation en long métrage animé, série TV ?

Emilie : Pour la série TV, c'est un tout petit peu prématuré ! Non, plus sérieusement, la priorité pour nous, c'est de parvenir à financer le turbomédia. En fait, tout dépendra de la réussite ou non de la campagne de financement participatif et de l'intérêt pour les versions numérique et papier de MediaEntity. 


Simon : Nous ne sommes que deux sur le projet pour le moment, et on espère vraiment qu'on aura les moyens que d'autres personnes nous rejoignent pour nous aider à faire aboutir la saison 1.

 

Avez-vous besoin de collaborations ? de soutiens ?

Simon : Si quelqu'un ou quelqu'une s'y connaît en hacking et a envie de m'aider à faire les tutos de Wilhem, qu'il me fasse signe !

Emilie : Sinon, on a surtout besoin de faire connaître le projet et d'intéresser les gens à cette histoire et à ce format d'ici Janvier et le début de la campagne de financement participatif. Donc en parler comme tu le fais là, c'est déjà énorme pour nous.

 

Merci à tous les deux et surtout le meilleur pour la suite, en tout cas nous on adore votre travail et on le soutient à fond !

Merci à toi Ginie de nous avoir encouragés dès le début.




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