Quand Angoulême déprime les bédéphiles

Suite à nos échanges au sujet de la quarantième édition du festival international de la bande dessinée d’Angoulême et à ses réactions déçues et enflammées sur Twitter, j’ai proposé à l’ami Merton de lui ouvrir une tribune sur B&O. Merton est le créateur de Merton fait sa Bulle, une émission sur la BD diffusée sur internet, ainsi que l’ancien rédacteur en chef de Bédéo. Il est maintenant chroniqueur au One Eye Club et sur Synopslive. - Ginie

Ca y'est, Angoulême édition 2013 est fini et il est temps de faire un premier débriefing. J'avoue avoir refait cette intro une dizaine de fois, ne sachant par quel bout prendre tout ça ! Plein de choses à dire et une certaine frustration face à des choix étranges du festival. Je ne vais pas faire un laïus trop long mais je vais pointer les 3 choses qui m'ont le plus marqué.

Le grand prix

Outre le petit couac d'embargo cassé par l'AFP, le grand prix de cette année est un sketch ! Petit rappel : le festival avait décidé de faire voter tous les auteurs présents pour le grand prix cette année. Idée sympathique au premier abord, mais nous avons vite découvert qu'ils ne votaient en fait que pour une short-list, l'académie finissant le choix. Parmi les seize auteurs en lice, (Pierre Christin, Cosey, Nicolas de Crécy, Hermann, Manu Larcenet, Lorenzo Matotti, Alan Moore, Katsuhiro Otomo, Marjane Satrapi, Willem, Joann Sfar, Posy Simmonds, Jirô Taniguchi, Akira Toriyama, Jean Van Hamme, Chris Ware), c’est le mangaka Akira Toriyama qui a remporté le plus de voix et pourtant c'est Willem qui a gagné le prix et présidera l’édition de l’année prochaine. Le festival a quand même bricolé rapidement un prix spécial pour le créateur de Dragon Ball, histoire de faire passer la pilule...

Pourquoi ? Parfois je me demande si le festival d'Angoulême veut vraiment faire la promotion de la bande dessinée ! Je suis triste que Toriyama ne préside pas le prochain festival et triste pour Willem car quoi qu'il arrive maintenant, sa victoire sera considérée comme usurpée.

Pourquoi lancer un vote des auteurs si ça ne sert à rien ? Pourquoi ne pas écouter les personnes qui font vivre la BD au jour le jour et faire confiance à leur choix ?  Eux, de leur côté, ne comprennent pas ce choix de l’académie :

N’existe-t-il pas un fossé entre cette académie et tous les gens qui se baladent dans les bulles du festival ? Est-ce la meilleure manière de mettre en lumière l'univers de la BD qui, rappelons-le, n'existe dans les médias qu'une fois par an ?

Le traitement médiatique

C'est sûrement l'un des volets qui m'a le plus frappé et c'est la même chose chaque année. Les médias traditionnels ne savent pas parler de bande dessinée. Ils n'y connaissent pas grand chose voire rien et du coup nous rabâchent toujours les mêmes trucs. On m'avait raconté l'anecdote d'une équipe de journaliste, en 2009 pour l'expo Boule et Bill, qui était dans le train vers Angoulême se demandant s'ils pourraient avoir une interview de l'auteur, Roba, décédé 3 années plus tôt...
Ca n'a pas changé et malheureusement j'ai l'impression que le festival joue aussi ce jeu. Quand j'ai vu l'expo Uderzo j'ai été surpris de ne voir quasiment que du Astérix. N'était-ce pas là le moment de faire du lien, montrer un peu autre chose ? Attention, j'ai beaucoup aimé cette expo, j'ai même failli verser une petite larme à la fin sur un dessin qu'Uderzo avait fait en hommage à Tibet à l'heure du décès de ce dernier mais quand même il n’a pas fait qu’Astérix.

Si nous voulons que la bande dessinée soit vue par le grand public comme un art vraiment vivant il va falloir y mettre du notre ! Sinon nous resterons au statut actuel : un bilan annuel pour chaque Angoulême et quelques banalités dans les médias (marronniers sur la chasse à la dédicace et sur des classes d’enfants qui viennent découvrir des BD...)

La communication du festival

Le festival l'avait annoncé : cette édition était tournée vers le numérique qui est l'avenir de la bande dessinée ! La preuve, Pénélope Bagieu, découverte grâce à son blog a été sacrée chevalier des arts et des lettres, c'est dire !

Mais sérieusement, on est en 2013 pas à l'époque du minitel ! Un petit live stream c'est trop demander ? Les technologies ont évolué et le budget pour ce genre de choses a beaucoup baissé. Quand on se targue de vouloir ouvrir la bande dessinée au plus grand monde et de vouloir aller vers le numérique et les nouveaux médias c'est quand même un minimum non ?

Cerise sur le gâteau, la cérémonie de clôture était bien disponible en direct et en vidéo sur le site de la Charente Libre mais la personne derrière le compte twitter du festival ne semblait pas au courant avant que je lui dise. (Merci à Rémi de Bodoï d'ailleurs qui m'a filé le lien).
Tout le monde sait qu'un live augmente la participation sur les réseaux et permet de toucher plus de monde. Je n'ai pas l'impression d'en demander trop. C'est devenu la norme dans ce genre d'évènements. J'ai vraiment été frustré, il y avait un coup à jouer, montrer la modernité du festival et l'apport des nouveaux médias à ce monde. Les 24h de la BD, la révélation blog ou les conférences sur Professeur Cyclope et La Revue Dessinée il y a vraiment de la matière ! Les médias d’ailleurs se sont emparés de ces sujets et en ont pas mal parlé sur leurs version online.

Bon, heureusement tout sera retombé dans quelques jours. Le petit monde de la BD est tout retourné en ce moment, c’est peut être l’occasion pour le festival d’évoluer et de nous donner une 41ème version à la hauteur de ses ambitions. Chiche ?





Crédit photo : Angoulême par Patrick Janicek  
Dessin : Clarke pour les éditions du Lombard



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