Royal Space Force - Warren Ellis / Chris Weston

Dans ce récit, précédemment publié sous le titre de Ministère de l’espace (Semic), Warren Ellis (Freak Angels, The Authority...) joue la carte de l’uchronie pour faire revivre un rêve de gosse, celui d’une véritable conquête spatiale, bien plus ambitieuse scientifiquement que celle que nous avons réellement vécue.

A l’été 1945, l’opération Paperclip bat son plein. L’armée américaine tente par tous les moyens d’exfiltrer les scientifiques et hauts-techniciens allemands afin de grossir leurs propres rangs. Alors qu’un bataillon américain se trouve sur la base de Peenemünde dans le but de récupérer Werner Von Braun et ses V2, des avions britanniques fendent le ciel. 

Sur ordre de l’officier John Dashwood, ils bombardent la base, détruisant leurs alliés en même temps que toute trace de la fabrication et des recherches menées par Von Braun depuis le début de la guerre. Il faut dire que le jeune Dashwood s’était déjà emparé de ces fameux scientifiques et de leurs connaissances quelque temps avant l’arrivée de l’armée yankee.

Suivra un bref entretien avec Winston Churchill, durant lequel Dashwood exposera ses projets : constituer un ministère de l’espace, alimenté financièrement par un budget « noir ». Avec l’aide des scientifiques allemands, le ministère construira des missiles, des fusées, et s’engagera dans la course à l’espace. En 1960, Dashwood prévoit de poser le pied sur la Lune, voire d’y installer des missiles atomiques capables de frapper n’importe quel point du globe. Et tout cela pendant qu’Américains et Soviétiques se défieront bêtement, sans voir que, dans l’ombre, l’Empire Britannique grandit.

Gamin, Warren Ellis semblait rêver de fusées et de colonisation de l’espace. Quarante ans après, Ellis conclut que la course aux étoiles ne fut qu’un moyen d’intimidation entre les deux grandes puissances, et que la guerre froide, loin de la stimuler, n’a fait que la retarder. Dans cette uchronie, l’Angleterre se dote des meilleurs éléments pour l’accomplir, et dépasse de loin tout ce que nous avons pu voir.

Pas que l’Empire Britannique soit plus vertueux ou plus intelligent que les Etats-Unis, non. Ils n’étaient juste pas partie prenante dans la guerre froide, simple et infime détail. C’est là une des grandes forces d’Ellis, quand on le croit idéaliste ou contestable, il nous prouve sa finesse. Pour preuve la dernière case de l’album, une pure merveille !

Chris Weston (The Twelve, Histoires de Guerre) et Laura Martin mettent tout ça en images avec une grande maestria. Ils sont tout simplement bluffants, précis dans le rendu des engins et dans l’expressivité des personnages. La rencontre entre Dashwood et Churchill est particulièrement superbe : on voit le premier ministre imposant, charismatique, se recroqueviller et s’assombrir tandis que le jeune ambitieux gagne en assurance et que son visage s’illumine.

Royal Space Force, one-shot brillant, touche à la perfection. Le scénario de Warren Ellis est fin, intrigant mais sans en faire trop, et je peine à trouver le moindre défaut au dessin de Chris Weston et aux couleurs de Laura Martin. On va donc laisser le mot de la fin à Mark Millar : « Royal Space Force, c’est Warren Ellis sur son propre terrain et en pleine forme. C’est la meilleure de ses créations personnelles, et oui, je compte Transmetropolitan dans le lot ».


Scénario : Warren Ellis - Dessins : Chris Weston
Editeur : Delcourt - Collection
Contrebande
- One shot.



Vous avez aimé cette chronique ? Pensez à vous inscrire à la newsletter et/ou au flux RSS pour être informé des prochaines publications.